C'est là-bas que je suis né. C'est sous ce soleil à la mansuétude rugueuse, sous cette magnifique terre où l'amour s'enferre dans la haine, terre désertée par les divinités orientales imposées, ce sol imbibé de sang aux senteurs de plomb que fut enterré mon placenta. Ce territoire où, à force de plaisanter avec les choses sacrées de la religion, il y a beaucoup plus gens au bar que dans des lieux de culte, églises et mosquées réunies. Parce que au Tchad, on s'est musclé les jambes pour faire du saute-mouton sur les vrais problèmes de développement en structurant dans la durée des pratiques qui amarrent le pays dans le sous-développement ! Comme si l'on faisait exprès de ne pas remarquer la beauté qui s'en allait, comme si l'on jouait les arlésiennes avec le bonheur, à l'image des enfants gâtés qui se divertissent à ruiner leur paradis.
Le Tchad, ce pays dont beaucoup de citoyens ont des mains de chèvre. On dit qu'une personne a des mains de chèvre lorsqu'elle ne s'en sert pas adéquatement pour faire ce qu'elle devrait faire. Enfant, ma tante me disait :
- Dis donc que tu as des mains de chèvre, toi !
Cela signifiait mon incapacité incurable à déplacer le caillou, ou le bout de bois qui m'avaient fait trébucher, qui avaient failli me coûter les dents ! Dans ce Tchad-là, en grandissant, mon constat est avéré : on a des mains de chèvre. Vous le saurez bientôt, ce ne sera pas une longue histoire !
6 fiches