50 ans après la fin de la Guerre d'Algérie, enquête sur un des plus tragiques symboles du conflit.
Juin 1957, disparition de Maurice Audin
Alger. Maurice Audin, jeune mathématicien de 25 ans, membre du Parti communiste algérien et militant de la cause anticolonialiste, est arrêté par les parachutistes français. Sa femme, Josette, et ses trois enfants, ne le reverront plus jamais. Il est peu après déclaré "évadé" par l'armée.
Nouvelle disparition aujourd'hui, celle de la mémoire...
Après plus de 50 ans d'enquêtes et de procès, la justice a refermé ses dossiers sans condamner les coupables ni reconnaître les faits : la torture et l'assassinat. Les souvenirs s'estompent, les documents se perdent et les derniers témoins disparaissent à leur tour.
Maurice Audin, la disparition entrecroise des témoignages des protagonistes français et algériens, dont l'avocat et ancien Garde des Sceaux Robert Badinter, l'avocate Nicole Dreyfus, l'historien Mohammed Harbi, l'ex-directeur de l'Alger Républicain Henri Alleg. Le film mêle documents (archives filmées de l'INA, de Pathé, journaux, livres, dessins...) et scènes de reconstitution pour retracer le contexte de cette disparition, expliquer les articulations politiques et juridiques de l'affaire, et dénoncer la torture et le meurtre pratiqués en Algérie.
Un film de François Demerliac
2010 - 1h10 - France
D'après le livre de Pierre Vidal-Naquet, L'Affaire Audin (1958, Éditions de Minuit)
Disponible en DVD aux Editions Montparnasse le 7 février 2012 au prix de 15€, port compris
Commandez le DVD en allant sur le site des Editions Montparnasse
Production : Chaya
Producteur délégué : Serge Catoire
Producteur exécutif : Joseph Strub
Réalisateur : François Demerliac
Musique originale : Andy Emler, Claude Tchamitchian, Eric Echampard
Monteuse : Céline Eudier
Scènes de reconstitution :
Assistante de production : Julie Romano
Direction de production / régie générale : Albert Blasius
Directeur photo : Vincent Jeannot
Electricien : Christophe Dural
Machiniste : Stéphane Rouillon
Ingénieur du son : Samuel Mittelman
Maquilleuse : Elodie Martin
Costumière : Sandrine Follet
Note d'intention du réalisateur
Maurice Audin, la disparition, est né de rencontres.
En 2005-2006 je travaillais sur un film sur Sartre et recueillais des témoignages. Pierre Vidal-Naquet, que je connaissais, a accepté de parler de son combat contre la torture et de sa rencontre avec Sartre, en 1958, à l'occasion de la sortie de son livre l'Affaire Audin, écrit avec Jérôme Lindon. Cet entretien m'a donné envie d'en savoir plus. Son livre l'Affaire Audin m'a impressionné par l'intelligence avec laquelle, en enchaînant des faits et des documents, l'historien démontre méthodiquement la culpabilité de quelques militaires et, au-delà, les responsabilités du dispositif politico-militaro-judiciaire institué à partir de 1956 à Alger pour tenter de contrôler la crise. L'Affaire Audin est aussi exemplaire d'une constante dualité chez son auteur : la rigueur de sa réflexion et la vigueur de son engagement. Pierre Vidal-Naquet est un historien engagé. Les deux termes peuvent sembler contradictoires : l'engagement n'est il pas incompatible avec la froide impartialité et la distance attendues de l'historien ? Pourtant il a réussi à faire cohabiter les deux fonctions avec ce qui à la fois les légitime et permet de les réunir : l'honnêteté.
J'ai ensuite rencontré Josette Audin. Au départ, sans doute par pudeur, elle était réticente à l'idée d'une interview mais elle a fini par accepter. Elle m'a raconté sa vie à Alger avec son jeune mari, son activité militante, l'arrestation de Maurice par les paras français, sa disparition... Au fil de l'interview, tout ce qu'avait écrit Pierre Vidal-Naquet dans son livre prenait de l'épaisseur. Cinquante années vécues sans son mari, le mensonge puis le silence des autorités... A la démonstration de l'historien, Josette Audin venait ajouter la dimension humaine, l'émotion. L'évidence de la dépendance de cette destinée individuelle à des notions plus "grandes" - la justice, la raison d'état... devenait concrète. Et avec elle l'évidence de la nécessité d'un film sur ce drame. Et Josette Audin concluait l'interview en disant simplement qu'elle aimerait bien qu'un film soit fait sur la disparition de son mari. Nous étions d'accord. Ou devrais-je dire que, sans se concerter, c'était Josette Audin et Pierre Vidal-Naquet qui m'avaient embarqué ?...
Maurice Audin - La disparition joue sur deux temporalités. A "l'évasion" de 1957 répondent aujourd'hui d'autres risques de disparition : l'oubli et l'indifférence. La torture ne s'est pas arrêtée avec Maurice Audin. En Algérie, d'autres Français et des milliers d'Algériens ont connu un sort comparable avant que cette pratique ne vienne s'exercer en France même, contre les militants du FLN. Plus tard ce sont les Harkis, puis des membres de l'OAS qui en ont été victimes, ce contre quoi Pierre Vidal-Naquet et le comité Audin se sont à nouveau insurgés. En Amérique du sud (Panama, Argentine) et plus récemment au Proche-Orient ou à Guantanamo, répression et renseignement ont continué de rimer avec torture.
La torture et la "corvée de bois" laissent des traces. Pas seulement sur ceux qui l'ont subie directement. Comme Josette Audin, de trop nombreuses femmes ont été condamnées à vivre avec un absent, sans même savoir où leur mari, leur père ou leur fils a été enterré.
Comment croire que ceux qui, de gré ou de force, se sont trouvés du côté des tortionnaires et des assassins en sont sortis indemnes ? Et cette question se pose tant pour les militaires français que pour leurs opposants algériens. La terreur passée et ses avatars, la torture et le meurtre, forment une tache sur l'histoire commune des Français et des Algériens. De la même manière qu'un lourd secret dans une famille, le silence qui les entoure pèse aussi sur les enfants et petits enfants issus de l'immigration. Faire lever ce voile là, laisser enfin s'exprimer la vérité, contribuera à alléger la culpabilité et la violence qui compliquent et pervertissent l'intégration ou la simple amitié.
Expliquer les "détails" et les articulations juridiques et politiques de l'affaire Audin permet d'éveiller la conscience critique des spectateurs actuels, en particulier des jeunes, ce qui représente la meilleure garantie d'une démocratie. Pour cela il suffit d'écouter ceux qui ont subi, qui ont essayé de s'opposer, et qui ont quelque chose à transmettre aux générations suivantes. Ceux-là dont les témoignages sont des documents historiques, émotion comprise.
François Demerliac
"Il faut saluer le courage du réalisateur François Demerliac et tous ceux qui se sont battus pour que la vérité éclate au grand jour. Une vérité que l'on veut cacher. Un film qu'il faut voir et revoir. Il démonte point par point, avec des documents irréfutables, le scénario de mensonges flagrants dans une affaire parmi tant d'autres."
Alger républicain - 23 juillet 2010
Le film a été programmé en octobre dans le cadre du Maghreb des films 2011, avec les films relatifs au 17 octobre 61, autre crime d'Etat,
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